mardi 1 septembre 2009

Histoire d'un flocon sur la Karakorum Highway

Je viens juste d'atterir, porte par des nuages venant du sud. Je suis gele, et j'ai arrime mes dendrites sur un glacier. Le temps que les nuages se dissipent et je fais un tour d'horizon.


Plutot chanceux a premiere vue : devant moi ce ne sont que des sommets et glaciers a perte de vue, qui pointent entre 7000 et 8000 metres d'altitude. En me penchant, j'apercois une vallee beaucoup plus bas. C'est tres raide.
Brouhaha entre flocons : on essaie de se reperer. On serait sur le Shanjerab, un sommet qui domine la Karakorum Highway, un peu apres la Khunjerab pass (frontiere Chine-Pakistan a 4600m).




Le soleil commence a taper, j'ai les dendrites qui fondent. Je m'accroche comme je peux au glacier, mais je sens que je glisse ineluctablement vers la pente...





. Et c'est parti !

Je glisse, bondis et rebondis de pierres en pierres en creant des jeux de lumiere avec le soleil, rejoint par des milliers de flocons liquefies.

Je m'amuse dans la descente vertigineuse des cascades qui se succedent.




3000 metres plus bas, je suis happe par un canal a ciel ouvert. Je quitte le lit du torrent pour poursuivre mon chemin trace dans la falaise sur des kilometres. A pics et surplombs vertigineux que les hommes ont defies pour apporter l'eau des glaciers vers les cultures, par endroits en ajoutant des murets de pierres qui tiennent par miracle sur la falaise.

Le courant est moins fort, l'eau tres froide et chargee de particules dessine des volutes.





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Ecluse ... je me la coule douce maintenant dans un verger d'abricotiers, tres loin du rafut du torrent. Enfants et adultes ramassent les fruits pour les faire secher au soleil avant de les vendre plus bas dans la vallee, a Gilgit. Un peu partout, les corbeilles d'abricots colorent les toits et les murs de pierres de taches orangees.




Nouvelle ecluse. Je longe un champ dans lequel les femmes coupent les foins a la faucille, puis rejoins une ruelle du village de Khaibar que je descends plus vite dans un gargouilli qui se mele aux meuglements des vaches dans les etables.
















C'est un village que l'on a beaucoup aime. Le premier village dans lequel on a rencontre une famille pakistanaise en fait. Les enfants sont venus nous accueillir avec des abricots sur la route, puis se sont amuses a danser et chanter en se prenant en photo.



Leurs familles nous ont invites a planter la tente dans le village. Un moment tres agreable, parmi les moments qui nous ont le plus marque depuis le debut du voyage, et dans un paysage de reve !
Le contraste est saisissant entre les glaciers, puis les pentes minerales et arides des montagnes, transformees miraculeusement en champs verdoyants par le trait artificiel horizontal des canaux. Et la vie paisible des villages.

On a ete frappe par le bonheur et la joie qui se degagent des habitants de la vallee de Hunza dans laquelle nous sommes.





On parle de la vision du Pakistan en France, de la vie ici, de la vie chez nous, de leurs projets. Mohammed nous parle aussi de la peur qu'ont les villageois vis a vis des talibans qui projetaient de faire la connexion avec la Chine depuis l'Afghanistan en remontant la vallee.

Avec la mort du chef taliban il y a 3 semaines dans un bombardement, ils esperent que la situation s'ameliorera d'ici quelques annees, et nous invitent a revenir.


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Retour au flocon. Le courant m'entraine :

je quitte le village, longe des champs de mais et de ble avant de sauter une derniere cascade qui plonge dans la fougue de la riviere Hunza. Je bois la tasse et refais surface.

Les eaux sont noires. Kara-korum... on retrouve la couleur Kara comme pour Karakul (le lac noir), et Korum la pierre !



La riviere Hunza est large et serpente entre les montagnes.




Je passe sous les ponts dignes des aventures d'Indiana Jones vers Passu : des cables et quelques bouts de bois espaces en travers. Les ponts se balancent avec le vent.



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Des milliers d'ouvriers pakistanais et chinois travaillent a l'amenagement des 800 km de la Karakorum Highway qui longe la riviere. La route est perpetuellement soumise aux chutes de blocs et aux glissements de terrains des qu'il pleut. Les ouvriers construisent des murs de soutenements, dynamitent la falaise par endroits, ou encore amenagent des evacuations pour les eaux pluviales. Le travail est pratiquement entierement fait a la main : les ouvriers cassent les pierres a la masse, les charient sur leurs dos puis font des echelles humaines pour les monter sur les murs. Un travail difficilement imaginable, justifie uniquement par la position geographique du Pakistan pour creer un passage entre la Chine et le Pakistan. Il aura coute la vie a pres d'un millier d'ouvriers. En apercevant Benoit et Albane a velo, les ouvriers crient bonjour et bienvenue au Pakistan en levant les bras et font pratiquement la hola !

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La riviere Hunza entraine le flocon vers le beau village de Karimabad, perche avec son fort au pied du Batura Muztagh (7785m). Toujours le contraste entre les vallees verdoyantes sous la ligne rigide des canaux, et les montagnes arides au-dessus.




Je suis rejoint par le torrent qui descend de Naltar, une vallee alpine dans laquelle Benoit et Albane ont passe quelques jours dans des familles Chia et Sunnites (voir l'article sur le Ramadan) et par les flocons venus d'autres glaciers prestigieux comme le Rakaposhi (7789m) tres imposant et qui semble veiller sur toute la vallee, ou encore le Nanga Parbat qui culmine a 8125m.


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A Gilgit je change de nom pour la Gilgit river. Gilgit est la plus grosse "ville" depuis la frontiere avec la Chine. Les chevres et les vaches sont meles aux habitants. On retrouve des ambiances de bazar, et on decouvre les mini-bus pakistanais tout aussi colores que leurs grands freres camions (voir article Bidulstan sur les camions). Un peu partout dans la ville, des soldats et policiers armes veillent en patrouilles et derriere des guerrites sur les toits. En effet, des affrontements entre chias, sunnites et ismaelites (branches differentes de l'Islam) ont eu lieu a plusieurs reprises ces dernieres annees dans la ville. 3 jours apres notre depart, deux hommes ont ete tues par des tirs.


Tout le monde est vetu d'un chevarkomiz, (nom urdu pour l'habit pakistanais). Les hommes sont coiffes d'un toppi (une sorte de berret) et les femmes d'un chale. On choisit son tissus dans un des nombreux magasins, puis on traverse la rue pour aller chez le tailleur qui nous fait un habit sur mesure. Et on n'est pas decu du resultat !



Le flocon reprend sa route vers Islamabad. Au pied du Nanga Parbat, la riviere change a nouveau de nom pour prendre le nom d'Indus... un nom mythique qui invite au voyage !

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